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« NATURE (PRESQUE) MORTE » : EVRARD CHAUSSOY NOUS DONNE LE TON DE L’URGENCE CLIMATIQUE AVEC SA NOUVELLE EXPOSITION AU CHEVALET
Artiste polynésien spécialiste de la peinture au couteau depuis 2002, Evrard Chaussoy propose une nouvelle exposition annuelle dans sa galerie de prédilection, Le Chevalet, du 8 au 15 février 2020. « Nature (presque) morte » a de quoi surprendre un public d’habitués et ravir les défenseurs de l’environnement du fenua, puisque plane en arrière-plan des 24 toiles présentées le spectre du changement climatique et de la pollution. Celui qui fut prix spécial du Jury en 2007 au Carrousel du Louvre à Paris lors du Salon National des Beaux-Arts se consacre depuis deux ans entièrement à son art, entre création et enseignement d’arts appliqués à Raiatea. Lui qui avait présenté une exposition à Nouméa sur le thème écologique du rāhui en octobre 2019 renouvelle cette année son engagement pour la protection de l’environnement.
Une nature polynésienne menacée par la pollution « Si mon thème de prédilection reprend habituellement des scènes de la vie traditionnelle polynésienne, pour une fois, j’ai pris le parti de m’engager sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le climat et la pollution", explique d’emblée l’artiste.
À Raiatea, où Evrard Chaussoy a décidé de poser chevalets, pinceaux et toiles en même temps que ses valises, il participe très régulièrement à des actions de ramassage des déchets. A travers sa nouvelle exposition 2020, il souhaitait passer un nouveau cap et partager ses valeurs avec le public.
Le jeu de mots inhérent au thème de la 19e exposition de l’artiste, « Nature (presque) morte », résonne comme une alerte poétique avec pour signal d’alarme un pinceau. Détournées, certaines de ses natures mortes se découvrent et se lisent à plusieurs niveaux.
Ces petits détails qui font la différence
Evrard attire notre attention sur ces petits détails qui font toute la différence, pour peu que l’on s’y attarde, et qui font tout l’intérêt de cette exposition. Un obus parmi des coquillages (« Jolis coquillages du lagon ») ou une pastèque bien juteuse, bien rouge et bien luisante, en fait posée sur un tīfaifai dont les motifs s’avèrent être le logo de Monsanto (« Bio ? »).
« Ces petits détails sur lesquels on peut tout à fait passer à côté, c’est le reflet de la réalité. Les pesticides n’ont ni goût ni odeur, et pourtant en tant que consommateurs, on ne choisit pas systématiquement des produits bio, bons pour notre santé. Parfois aussi, on ne veut pas voir. » Dès lors, la démarche d’Evrard se veut être une démarche citoyenne.
Une prise de risque pour Evrard
« C’est une réelle prise de risque, tout artiste est partagé entre les œuvres qu’il souhaite peindre et la réception que va en faire le public. Concrètement, est-ce que les gens vont avoir envie d’exposer chez eux des déchets ? En tout cas, il me semble que la valeur du travail d’artiste est l’honnêteté, et j’espère que cette sincérité va toucher. »
De l’humour aussi, dans certains de ces tableaux, à l’image de ce tō’ere tout à fait traditionnel, dont le titre est « Tahitian boombox », en référence à ces fameuses enceintes que les jeunes d’aujourd’hui transportent partout avec eux, et qui peuvent parfois causer des nuisances sonores.
Paradis en sursis
Quant à sa pièce maîtresse « Paradis en sursis », elle évoque douloureusement la montée des eaux et son impact sur le sort potentiel des pays insulaires. La toile représente un paysage polynésien digne d’une carte postale. Pourtant, certains indices nous indiquent qu’il se trame quelque chose. Certains éléments du paysage rouge-orangé semblent désigner une zone de végétation menacée par la sécheresse, voire les feux. Un enfant trace une démarcation sur un cocotier : probable niveau de la mer ? Une pirogue comme radeau de sauvetage ? Le t-shirt porté par l’enfant est très large : un costume trop grand à endosser pour les nouvelles générations ? Père de famille, Evrard pose cette question centrale : « Que veut-on laisser en héritage à nos enfants ? »
Un pari réussi
Ainsi cette expo de 24 toiles marque une étape audacieuse dans le travail de l’artiste. Une nouvelle maturité ? En tous cas, on ne peut que vous inviter à vous rendre à la Galerie du Chevalet, ne tardez pas, car il semblerait que le pari d’Evrard ait été un succès, on nous souffle que déjà la plupart de ses toiles ont trouvé preneurs !
Evrard Chaussoy et le Chevalet, toute une histoire !Ce qui lie fortement l’artiste et la galerie, c’est avant tout une relation affective de longue date. Le père d’Evrard était peintre et faisait appel au Chevalet, quand ce n’était encore qu’un encadreur. Puis c’est lui qui a poussé les propriétaires, Jo et Valérie, à ouvrir une galerie, dont la toute première exposition a été…la sienne ! Lorsqu’Evrard s’est lancé en peinture, c’est donc tout naturellement qu’il a exposé au Chevalet chaque année depuis sa 2e exposition en 2004. La galerie a suivi l’artiste sur le choix du thème, d’autant qu’en décembre 2019, elle avait présenté « Protégeons le fenua » avec vingt-six artistes qui s’étaient exprimés sur les problèmes de pollution, les espèces protégées et le recyclage.
Rédaction web : Vaea D.
Crédits photos : Evrard Chaussoy et Vaea D.
Retrouvez l’exposition « Nature (presque) morte » à la galerie du Chevalet du 8 au 15 février 2020